Recette : Agedashi Dofu - Tofu frit au bouillon

L’Agedashi Dōfu, croustillant témoin de la cuisine japonaise
Plat emblématique des izakaya (ces bistrots japonais où l’on partage une variété de petits plats autour d’un verre), l’Agedashi Dōfu séduit par son contraste parfait entre l’extérieur croustillant et le cœur soyeux du tofu. Son nom se traduit littéralement par tofu sorti de la friture : un tofu généralement de type kinugoshi (soyeux), légèrement enrobé de fécule de pomme de terre ou de maïs, puis frit jusqu’à obtenir une fine croûte dorée. Il est ensuite nappé d’un bouillon chaud à base de dashi, de sauce soja et de mirin, et garni de daikon râpé, de gingembre râpé ou de katsuobushi (flocons de bonite séchée), selon les versions.
Si son origine exacte est difficile à dater, ce plat apparaît dans les recueils de cuisine de l’époque Edo (1603–1868), une période charnière dans l’évolution de la gastronomie japonaise. À cette époque, la friture gagne en popularité grâce à l’influence de techniques introduites par les missionnaires portugais au XVIe siècle. Le tofu, déjà présent au Japon depuis le VIIIe siècle et importé de Chine par des moines bouddhistes, devient alors un ingrédient de base dans de nombreux foyers — notamment parce qu’il est bon marché, nourrissant, et facilement adaptable aux régimes végétariens bouddhistes (shōjin ryōri).
Une anecdote intéressante : au fil des siècles, l’Agedashi Dōfu a su séduire toutes les couches de la population, des samouraïs aux étudiants modernes. Il est souvent considéré comme un plat de nostalgie, un peu comme la purée dans la cuisine occidentale. Facile à réaliser, il demande pourtant un savoir-faire pour réussir l’équilibre parfait entre la texture et la saveur. Aujourd’hui, il figure sur les cartes de restaurants traditionnels comme dans les cuisines familiales, et se décline parfois avec des variantes modernes — tofu de sésame ou garnitures inattendues comme des champignons shiitake ou de la ciboule grillée.
Quel type de tofu utiliser ?
Traditionnellement, l’Agedashi Dōfu se prépare avec du tofu soyeux (kinugoshi), apprécié pour sa texture fondante après friture. Il demande toutefois une manipulation délicate car il est fragile.
Pour une version plus facile à réaliser, on peut utiliser du tofu ferme (momen), qui tient mieux à la cuisson mais offre un résultat un peu moins moelleux. Les deux conviennent, à vous de choisir selon votre aisance en cuisine !
Recette d’Agedashi Dōfu selon le shōjin ryōri (cuisine bouddhiste)
Ingrédients (pour 2 à 3 personnes)
Pour le tofu :
- 1 bloc de tofu soyeux (kinugoshi) ou tofu ferme (momen) (voir note plus haut), bien égoutté
- Fécule de pomme de terre (katakuriko) ou de maïs (kōnsutāchi) pour l'enrobage
- Huile végétale neutre (colza, pépins de raisin...) pour la friture
Pour le bouillon :
- 500 ml d’eau
- 1 morceau de kombu (env. 10 cm)
- 1 ou 2 shiitakés séchés
- 1 c. à soupe de shōyu (sauce soja japonaise)
- 1 c. à soupe de mirin (ou un peu de sirop de riz si on évite l’alcool)
Garnitures (traditionnelles et sobres) :
- Daikon râpé (radis blanc japonais)
- Gingembre frais râpé
- Ciboulette finement ciselée (facultatif)
- Un filet de shōyu au moment du service (facultatif)
Préparation
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Préparer le bouillon (1–2 h à l’avance) :
- Faire tremper le kombu et les shiitakés séchés dans l’eau froide pendant 1 heure minimum.
- Porter ensuite à feu doux (ne pas faire bouillir), puis retirer le kombu juste avant l’ébullition.
- Continuer à chauffer quelques minutes, puis retirer les shiitakés.
- Ajouter le shōyu et le mirin, ajuster selon votre goût. Garder au chaud.
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Préparer le tofu :
- Égoutter le tofu (poser sur un linge propre ou du papier absorbant, avec un poids léger dessus pendant 15–20 min).
- Couper délicatement en cubes (4–6 cm de côté).
- Enrober chaque cube dans la fécule.
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Frire le tofu :
- Faire chauffer l’huile à 170–180 °C.
- Frire les morceaux jusqu’à ce qu’ils soient légèrement dorés et croustillants (env. 2–3 minutes de chaque côté).
- Égoutter sur papier absorbant.
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Servir :
- Disposer le tofu dans des bols individuels.
- Verser un peu de bouillon chaud par-dessus.
- Ajouter les garnitures (daikon râpé, gingembre).
Adaptations modernes
Variantes couramment pratiquées au Japon
Ces adaptations restent dans l’esprit de la cuisine japonaise traditionnelle, notamment dans les izakaya ou à la maison :
- Légumes frits en accompagnement : aubergine (nasu), poivron, carotte...
- Champignons sautés ou frits : shiitake, enoki, shimeji.
- Piment japonais (shichimi tōgarashi) pour relever le plat.
- Tofu ferme (momen) à la place du tofu soyeux, pour une version plus robuste.
- Filet de sauce soja directement sur le tofu au moment du service.
Autres variantes japonaises parfois rencontrées
- Oroshi ankake : une sauce épaissie (à la fécule) à base de bouillon dashi et de daikon râpé chaud, versée généreusement sur le tofu. Variante hivernale réconfortante.
- Sauce au yuzu ou ponzu (agrume + sauce soja), parfois utilisée à la place du bouillon chaud.
- Tempura Agedashi : tofu frit dans une pâte à tempura au lieu d’être simplement enrobé de fécule — rare, mais existe dans certains restaurants spécialisés.
- Garniture de myōga (gingembre japonais), shiso ciselé ou même umeboshi (prune salée) pour une touche acide/herbacée, selon la saison.
- Kinoko ankake : sauce aux champignons (enoki, shiitake, shimeji) liés dans un bouillon épais. Très courant en automne.